Certains États membres de l’Union européenne participent à des projets d’infrastructure qui relèvent de la Belt and Road Initiative, alors même que Bruxelles exprime des réserves officielles sur ce programme. La Mongolie, enclavée entre deux puissances, figure parmi les rares pays à avoir négocié des modalités spécifiques pour limiter sa dépendance.
L’influence de la Belt and Road Initiative s’étire bien plus loin que les itinéraires historiques. Avec plus de 140 pays déjà impliqués à travers quatre continents, cette stratégie chinoise brasse large et rebat les cartes. Les accords, aussi différents que leurs formats, vont de simples partenariats à des engagements économiques d’envergure. Conséquence directe : échanges et rapports de force se recomposent partout où passe la BRI.
Comprendre la Belt and Road Initiative : origines, ambitions et fonctionnement
Lancée en 2013 par le président chinois Xi Jinping, la Belt and Road Initiative, appelée aussi One Belt One Road ou OBOR, incarne l’appétit d’expansion de la Chine. Son objectif se lit sans équivoque : connecter l’Asie, l’Afrique, l’Europe, parfois jusqu’à l’Amérique latine, en construisant un réseau d’infrastructures gigantesque, ports, voies ferrées, autoroutes, oléoducs, plateformes logistiques. Des sommes massives soutiennent ce chantier.
Reprenant le concept des routes de la soie, Pékin vise à intensifier les échanges commerciaux, étendre son influence et stimuler le développement de territoires vus comme stratégiques. La Belt and Road s’impose alors comme un levier d’intégration régionale et d’export de la maîtrise chinoise en ingénierie et en logistique.
Dans la pratique, la BRI s’adapte : les formules de coopération sont multiples. Entre partenariats bilatéraux, coentreprises associant firmes chinoises et acteurs locaux, chaque projet épouse le contexte du pays signataire. Les investissements suivent, pilotés par les grandes banques publiques chinoises sous forme de crédits avantageux ou d’apports directs. Les infrastructures se modernisent, parfois au prix d’un endettement qui pèse longtemps sur les finances nationales.
Rapidement, plus de 65 pays sont concernés. Les principaux corridors relient, par exemple, le Xinjiang à l’Europe, favorisent la jonction du Pakistan à la mer d’Arabie, ou encore associent l’Asie du Sud-Est à la Méditerranée. Ce maillage, fait de rails, de routes et de ports, repense les routes commerciales mondiales, tout en amenant de vifs débats sur la soutenabilité et l’équilibre de ces relations avec la Chine.
Quels pays sont traversés par la nouvelle Route de la soie ? Liste et cartographie des principaux corridors
La nouvelle route de la soie se déploie sur plus de 12 000 kilomètres et bouleverse la logistique planétaire. Depuis la Chine, Shanghai ou le Xinjiang, l’axe terrestre s’engouffre d’abord en Asie centrale. Voici les premières nations desservies :
- Kazakhstan
- Ouzbékistan
- Tadjikistan
Le tracé traverse ensuite la mer Caspienne, franchit le Caucase pour rejoindre l’Europe de l’Est. Plus au sud, le fameux corridor Chine-Pakistan relie le Xinjiang au port de Gwadar, escalade les massifs du Pakistan et débouche sur l’océan Indien.
Côté maritime, les ports chinois sont connectés à Singapour, puis au Sri Lanka, Bangladesh, Myanmar. En filant par la Corne de l’Afrique via Djibouti, la route dépasse le canal de Suez avant d’atteindre Venise ou Marseille. Cette architecture s’ajuste en permanence, suivant les intérêts de Pékin et des États partenaires.
Pour mieux cerner l’ampleur géographique du projet, exposons les principaux corridors et leurs destinations :
- Asie centrale : Kazakhstan, Ouzbékistan, Tadjikistan
- Moyen-Orient et Afrique : Iran, Turquie, Djibouti
- Europe : Russie, Biélorussie, Pologne, Allemagne, France
- Asie du Sud : Pakistan, Bangladesh, Sri Lanka
La liste s’étend au gré des nouveaux accords, chaque portion du réseau se greffant au gré des stratégies ou réajustements politiques. La carte des routes affiche une topographie mouvante, témoin d’un équilibre toujours en construction entre Chine, Europe, Afrique et Asie du Sud-Est.
Entre opportunités économiques et défis géopolitiques : quels impacts pour les États participants ?
Les nouvelles routes de la soie transforment les territoires bien au-delà des trains et des ports flambant neufs. Pour beaucoup de pays traversés, la BRI fait miroiter l’émergence rapide : autoroutes, lignes ferroviaires, plateformes portuaires se multiplient, injectant un souffle nouveau dans les échanges commerciaux.
Mais il y a le revers de la médaille. Derrière la croissance affichée, les inquiétudes grandissent autour de l’endettement massif que doivent assumer certains gouvernements. La solidité financière de nombreux chantiers demeure fragile. À cela s’ajoute l’écart entre normes sociales ou environnementales, parfois source de tensions sur le terrain, qui fragilise la relation avec la population locale ou les élites politiques.
Pour rendre ce panorama concret, observons quelques variations régionales bien distinctes :
- En Asie centrale, la refonte des infrastructures encourage l’intégration entre voisins, mais renforce la position chinoise, avec un poids économique nettement marqué.
- Au Moyen-Orient et en Afrique, les gains logistiques s’accompagnent d’une compétition resserrée pour le contrôle et l’accès aux grands axes.
- En Europe, l’arrivée des financements chinois alimente le débat public sur la souveraineté et la gouvernance des principaux réseaux de transport.
En toile de fond, chaque gouvernement tente d’imposer ses exigences : clauses sociales, garde-fous environnementaux ou redistribution des bénéfices à long terme. Car ces routes nouvelles ne laissent aucune société neutre. Elles créent des équilibres subtils où chaque acteur avance ses pièces et surveille le moindre déplacement dans la partie.
À mesure que les trains circulent et que les terminaux s’agrandissent, ces itinéraires incarnent pleinement le dilemme de la mondialisation contemporaine. Le véritable enjeu pour chaque État ? Réussir à garder la main sur sa propre trajectoire, face à un géant qui, lui, sait déjà où il veut aller.